Les addictions, notamment à l’alcool, aux drogues et aux psychotropes, ont des effets néfastes sur la santé et la vie des consommateurs, mais pas seulement. L’entreprise peut elle aussi être affectée : les risques d’accident du travail, par exemple, sont nombreux à être causés par la consommation d’alcool, la plupart du temps par des personnes non-dépendantes. Les risques sont multiples : risque d’image (en cas d’accident de la route mortelle, par exemple), mais aussi risque de harcèlement, de violence, de prises de décisions erronées, de baisse de la productivité, etc. S’il ne relève pas que de l’entreprise de pallier les problématiques d’addiction, une prévention commune et complète peut être très efficace et se révèle capital en ces temps de télétravail.
Les addictions
Formes et facteurs des pratiques addictives
Les pratiques addictives, au sens large, regroupent :
- l’usage occasionnel, qui paraît anodin à beaucoup, à tort, car il peut avoir des effets, notamment en cas de consommation sur le temps de travail ;
- l’abus, qui désigne une consommation régulière ayant des conséquences négatives sur la santé, la sécurité, la vie personnelle ou professionnelle, etc. ;
- la dépendance, caractérisée par l’incapacité de la personne à résister à la consommation, malgré toutes ses conséquences.
Les facteurs peuvent être nombreux :
- personnels : deuil, dépression, sensibilité au stress, etc. ;
- sociaux : habitudes familiales et/ou culturelles, période insécurisante telle que le chômage, etc. ;
- professionnels : pots entre collègues, repas d’affaires, conditions de travail, etc.
Connaître ces facteurs est important pour la prévention, car s’ils persistent, l’usage simple peut se transformer en consommation abusive, puis en dépendance. Par ailleurs, certaines substances sont plus addictives que d’autres, de par leurs effets sur le corps humain : environ 90 % des consommateurs d’héroïne deviennent dépendants, de même que 10 % des consommateurs d’alcool.
L’alcool
L’alcool, très présent dans notre société, a notamment pour effet de diminuer la vigilance, les réflexes, la concentration, le champ de vision, etc. Il a également un puissant effet désinhibiteur, pouvant rendre ses consommateurs familiers, déraisonnables, voire violents. Sa consommation régulière et abusive peut entraîner dépression, cirrhose, hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, AVC, etc.
Les drogues telles que le cannabis et la cocaïne
Beaucoup plus consommé chez les 18-25 ans que dans les autres tranches d’âge, le cannabis affecte lui aussi la capacité de concentration et la vision de son consommateur, ainsi que sa mémoire. S’il peut créer un sentiment de détente, il peut aussi provoquer une forte angoisse, même lors d’un usage ponctuel. Consommé de façon abusive, le cannabis peut être à l’origine d’un isolement social et d’une importante perte de motivation générale, de même que d’effets sur la santé : difficultés respiratoires et cancers.
La cocaïne et le crack, son dérivé le plus courant, ont pour caractéristique notoire d’entraîner très rapidement une dépendance, dont les conséquences peuvent être nombreuses : anxiété, troubles de la mémoire, dépression, infarctus du myocarde, etc.
Les médicaments psychotropes
Les médicaments psychotropes regroupent les somnifères, antidépresseurs et anxiolytiques. Ils ont une vocation d’aide, en cas d’insomnie ou de dépression par exemple, mais non de résolution des problèmes à l’origine de ces troubles. Leur consommation excessive et régulière peut éloigner la résolution de ces difficultés, faisant perdurer dans le temps les effets de certains de ces médicaments : somnolence, baisse de la vigilance et de la concentration – entraînant, entre autres, une altération de la capacité de conduite d’un véhicule.
Le télétravail et les addictions
La substance psychoactive la plus consommée dans le milieu du travail est l’alcool. Viennent ensuite les psychotropes et enfin le cannabis. Si la vie professionnelle n’est pas forcément le motif de consommation, elle peut la faire augmenter : le baromètre santé de l’INPES indiquait en 2010 qu’un tiers des fumeurs réguliers, 9,3 % des consommateurs d’alcool et 13,2 % des consommateurs de cannabis ont augmenté leur consommation en raison de problème de travail au cours de 12 derniers mois. Les chômeurs sont particulièrement concernés par ce phénomène, mais les employés en activité peuvent aussi être concernés. Les travailleurs qui passent la plupart de leur temps dehors, qui portent des charges lourdes, ont des postures pénibles ou effectuent de nombreux déplacements notamment, sont plus à risque.
Au-delà de ces conditions de travail physiquement éprouvantes, le stress et le rythme de travail peuvent faire augmenter les pratiques addictives. C’est dans ce cadre que les confinements et le télétravail sont des éléments à prendre en compte pour une bonne prévention. Si certaines personnes ont diminué leur consommation, notamment d’alcool et/ou de cigarette, pendant les confinements, dans une volonté de se maintenir en bonne santé, ce n’est pas le cas de tous. Le sentiment d’isolement ressenti depuis le début de la crise sanitaire a entraîné une augmentation des pratiques addictives chez de nombreuses personnes. Cet isolement concerne bien sûr le domaine privé (moins de repas en famille ou entre amis), mais également le domaine professionnel : moins d’interaction avec ses collègues, disparation des moments conviviaux lors des pauses, autour du café, lors de la pause déjeuner, etc. De plus, le télétravail a bousculé les conditions d’exercice de son activité professionnelle : il nécessite de modifier son organisation, d’équilibrer sa vie personnelle et professionnelle, peut entraîner des horaires plus larges, notamment en raison de la suppression du temps de transport… Les objectifs de travail eux-mêmes ont été augmentés pour beaucoup de salariés. Si la plupart des ouvriers ont vu leur charge de travail diminuer, environ un tiers des cadres l’a vu augmenter, que ce soit en raison du temps libéré par la suppression du trajet, ou par les conséquences financières de la crise, qui incitent à redoubler d’efforts pour maintenir les objectifs initiaux de la société.
Prévention en entreprise
La prévention des pratiques addictives en entreprises est bien sûr dans l’intérêt des salariés, pour leur santé, mais aussi dans celui des sociétés elles-mêmes. La consommation excessive d’alcool ou de drogue par un employé, notamment en raison du télétravail, peut avoir des conséquences sur son efficacité, sur ses relations avec ses collègues. L’incapacité de travail engendrée peut mener au licenciement, procédure coûteuse et chronophage pour les entreprises. La prévention permet donc :
- d’éviter la perte de compétences et de connaissances causée par le départ non prévu d’un salarié ;
- de favoriser un bon climat de travail et un bon équilibre en vie personnelle et professionnelle ;
- cela permettant de maintenir la motivation et de préserver la productivité.
L’information
La première étape d’une politique de prévention est d’informer les salariés sur les pratiques addictives. Chaque personne de l’entreprise, quel que soit son poste, doit être consciente des effets potentiels de la consommation d’alcool ou de drogues, quelle qu’en soit la fréquence, pour lui-même, ses collègues, sa vie et la société. Les lois et règlements de l’entreprise doivent également être connus et affichés, afin d’être accessibles par tous à tout moment. Il est capital que tout le monde soit sensibilisé à ces questions, et pas seulement les postes à risque, car ne sensibiliser que les postes à risques, c’est diminuer les chances de détection d’une situation anormale et sous-estimer les risques pour les personnes effectuant une activité moins à risque.
La prévention dans le cadre du télétravail
Le télétravail pouvant avoir une incidence sur la dépendance aux substances psychoactives, l’ensemble de la structure d’une entreprise doit être vigilante aux conditions de travail, de manière générale et à plus forte raison en période de crise. Les deux points clé de la prévention dans ce cadre sont :
- le maintien du dialogue social, pour limiter le sentiment d’isolement ;
- une grande vigilance sur l’organisation et sur les objectifs, pour ne pas augmenter la charge de travail, maintenir un équilibre entre vie personnelle et professionnelle et éviter le stress.
Ces points-clé nécessitent une approche commune de la direction, des ressources humaines et des managers. Tous, ainsi que les employés quel que soit leur poste, doivent savoir reconnaître et faire remonter à qui de droit les signaux d’alerte, tels que :
- absentéisme – notamment de courte durée – ou retard fréquent ;
- diminution de la productivité, de la qualité et/ou de la quantité de travail ;
- mauvaise humeur répétée.
La prévention est l’affaire de tous, car la dépendance d’une seule personne peut avoir des conséquences non seulement sur sa vie, mais aussi sur celle des autres, proches ou collègues. Informer, connaître la procédure à suivre et les points de vigilance relatifs notamment aux liens entre télétravail et addictions : cela peut se révéler salvateur pour la société dans son ensemble.