Avec le développement des technologies de l’information et de la communication, de plus en plus de salariés et de cadres se retrouvent connectés en permanence à leur travail. Ils ont le sentiment que la possibilité d’être joignable en permanence grâce à internet et aux smartphones équivaut à une obligation de rester joignables et connectés en permanence. Ces travailleurs finissent alors par répondre aux messages et aux appels professionnels, à accomplir des tâches liées à leur profession en dehors des heures de travail, et même pendant leurs vacances. C’est l’hyperconnexion. Un phénomène accentué par le télétravail, tout récent pour beaucoup et dont les contours ne sont pas précisément définis.
Pour y remédier, l’État a instauré un droit à la déconnexion pour les travailleurs. Entré en vigueur le 1er janvier 2017, ce droit vise à protéger les travailleurs des effets néfastes de ce nouveau phénomène.
Les graves conséquences de l’hyperconnexion
L’hyperconnexion est un phénomène qui a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années, dégradant la qualité de vie professionnelle de beaucoup de salariés. Parmi ses nombreuses conséquences, un stress élevé dû au fait de ne jamais pouvoir réellement sortir de la sphère professionnelle. Les travailleurs ont alors le sentiment d’être dépassés, débordés, ce qui crée chez eux une grande anxiété. Le temps de repos rogné par l’utilisation continue des outils numériques est largement diminué. Ce qui engendre une fatigue parfois extrême, voire d’épuisement ou ce qui est aussi appelé le burn-out. La vie personnelle et familiale des travailleurs est, elle aussi, très dégradée, ce qui accentue l’effet stressant et anxiogène de l’hyperconnexion. Tous les effets de ce phénomène peuvent finir par gravement porter atteinte à la santé physique et psychologique du travailleur.
De ce fait, l’employeur doit évaluer les risques auxquels sont exposés les travailleurs au sein de l’entreprise. Il peut lister les risques en fonction des postes et des moyens mis à la disposition des salariés. Les risques sur la santé physique et mentale entraînés par l’hyperconnexion peuvent être définis et inclus dans le document unique d’évaluation des risques professionnels ou DUERP. Ces risques concernent l’intensité et le temps de travail, le manque d’autonomie et les exigences émotionnelles qui s’inscrivent dans les risques psychosociaux au travail ou risque RPS.
Le droit à la déconnexion, qu’est-ce que c’est ?
La loi du 8 août 2016 qui instaure le droit à la déconnexion ne définit pas précisément cette notion, mais précise ses objectifs. Ce droit vise donc à garantir aux travailleurs le respect de leur temps de repos et de congés, l’instauration d’un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle et la protection de leur santé.
C’est donc le droit pour le salarié d’être, lorsqu’il est en dehors des heures et jours de travail, déconnecté de ses outils professionnels. Ce droit concerne les ordinateurs, les tablettes, smartphones, les systèmes de messagerie professionnels, les logiciels et autres moyens de travail numériques. Ce droit est accordé à tous les travailleurs utilisant ces moyens connectés dans leur travail, qu’ils travaillent habituellement dans leurs bureaux ou ailleurs pour les travailleurs dits nomades ou les télétravailleurs.
L’hyperconnexion pouvant aussi être un frein à la productivité en interrompant le travailleur et en l’empêchant de se concentrer, le droit de se déconnecter peut aussi être instauré pendant les heures de travail. Ceci peut passer par l’instauration de plages horaires dites blanches ou sans connexion pendant lesquelles le travailleur se concentre uniquement sur les tâches qu’il a à exécuter.
Les modalités d’application discutées en entreprise
La loi instaurant ce droit n’impose pas de modalités particulières pour sa mise en œuvre au sein des entreprises. L’employeur doit néanmoins organiser sa mise en place effective notamment par le biais de négociations.
L’employeur est, en effet, dans l’obligation d’organiser des négociations collectives avec les représentants syndicaux une fois par an, sauf si un accord prévoit des négociations selon une autre périodicité. Ces négociations concernent la qualité de vie au travail et l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Elles doivent aboutir à la mise en place des modalités d’exercice du droit à la déconnexion par le salarié ainsi que la mise en place par l’employeur de dispositifs de régulation de l’usage des moyens de travail numériques. La finalité est ainsi de respecter les durées de travail maximales, les congés et l’équilibre de la vie personnelle du salarié.
Au sein des entreprises de plus de 11 salariés, si aucun accord n’a lieu, l’employeur élabore une charte concernant ce droit et qui est adoptée après avis du comité social et économique de l’entreprise. En plus des modalités d’application de ce droit, la charte met en place des opérations de sensibilisation et de formation sur l’usage modéré des outils connectés.
Les employeurs peuvent être sanctionnés par des peines d’emprisonnement et des amendes s’ils ne respectent pas l’obligation de la négociation collective sur la qualité de vie au travail.
En outre, la mise en place de chartes et d’accords collectifs doit garantir au salarié qu’il ne peut être licencié ou entravé dans son parcours professionnel pour le seul prétexte de son recours à son droit de se déconnecter.
Sa mise en pratique
La mise en pratique de ce droit peut passer par des mesures concrètes comme des signatures automatiques dans les e-mails précisant qu’ils ne revêtent aucun caractère urgent et qu’il n’est pas nécessaire d’y répondre en dehors des heures de travail. L’accord peut aussi introduire une interdiction d’envoyer des mails, des SMS ou d’entrer en contact d’une quelconque façon avec un salarié pendant ses congés ou en dehors de ses heures de travail, sauf motif impérieux.
Des mesures techniques peuvent aussi être adoptées comme la mise en veille des serveurs de l’entreprise en dehors des heures du travail, l’activation de services de réorientation des messages et des appels, etc.
La principale disposition généralement adoptée par les entreprises est de définir des heures de travail fixes pendant lesquelles le salarié peut être joignable.
Droit à la déconnexion et télétravail
Depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19, le télétravail est encouragé par l’État afin de limiter les risques de contamination au sein des entreprises. Le télétravail a donc pris des proportions jamais atteintes jusque-là.
Cet état de fait a des conséquences fâcheuses sur les travailleurs. La situation du salarié en télétravail est, en effet, différente de celle qu’il avait lorsqu’il travaillait dans son bureau. Le fait de devoir se rendre à l’entreprise pour travailler instaure une frontière physique entre heures de travail et heures de vie personnelle. Cette frontière tend à disparaître pendant le télétravail et la séparation entre temps personnel et temps professionnel s’estompe.
Bien que le télétravail complique l’application du droit à la déconnexion, des efforts supplémentaires d’organisation permettent de le mettre en place efficacement.
L’article L1222-9 du Code du travail impose notamment à l’employeur d’instaurer par accord ou par charte des modalités précises pour le télétravail et l’application effective du droit à la déconnexion. Parmi ces modalités, la loi cite celles concernant le contrôle du temps de travail et de régulation de la charge de travail, ainsi que les plages horaires pendant lesquelles le salarié peut être contacté par l’employeur.