La prise en charge adéquate de la santé au travail est essentielle pour garantir un accès complet à la santé pour tous. Cependant, il reste encore beaucoup à faire. Les résultats de l’Observatoire de la Mutualité Française sur la santé au travail révèlent de nombreuses lacunes en matière de protection des travailleurs.
La France n’est pas bien classée dans ce domaine, comme le montre l’enquête de l’Observatoire Mutualité Française/Harris Interactive sur la santé au travail publiée le 21 février 2023. Par exemple, en ce qui concerne les accidents mortels du travail, notre pays est en tête du classement des pays européens, avec 3,5 accidents mortels pour 100 000 personnes. Ce chiffre est deux fois plus élevé que la moyenne européenne (1,7 accident mortel). Cela illustre l’une des nombreuses données de l’Observatoire montrant que les problèmes liés à la santé au travail ne sont pas suffisamment pris en compte. De plus, 91% des travailleurs interrogés déclarent avoir connu des difficultés de santé au travail telles que fatigue, stress, perte de motivation, douleurs physiques régulières ou épuisement professionnel. Près de 4 travailleurs sur 10 estiment que leur travail a plutôt un impact négatif sur leur santé.
Une crise démographique dans le domaine de la médecine du travail
Quelles sont les causes de ces résultats ? L’Observatoire met l’accent sur la faiblesse de l’offre de santé au travail. Comme d’autres spécialités médicales, la médecine du travail connaît une crise démographique : plus de la moitié des médecins du travail ont plus de 65 ans, et les médecins généralistes ne sont pas suffisamment formés pour détecter les maladies professionnelles et les accidents du travail. De plus, l’Observatoire constate une répartition inégale des services de prévention et de santé au travail sur le territoire. Ces tendances préoccupantes font que 61% des salariés du secteur privé n’ont pas bénéficié d’une visite médicale du travail au cours de l’année et que 6% n’en ont jamais eu. Les travailleurs non salariés et les chefs d’entreprise sont particulièrement négligés en matière de santé au travail, avec 2,8 millions d’entre eux ne bénéficiant d’aucun suivi dans ce domaine. De plus, tous les travailleurs ne sont pas protégés par des contrats de prévoyance. Par exemple, les salariés des grandes entreprises bénéficient d’une meilleure couverture que les fonctionnaires et les travailleurs indépendants.
La santé au travail, un axe majeur de la santé publique
Les résultats de cet Observatoire montrent qu’il y a une marge d’amélioration considérable en matière de santé au travail, comme l’a souligné Éric Chenut, président de la Mutualité Française, lors de leur présentation à la presse. Le milieu du travail représente un espace essentiel pour le bien-être physique, social, psychique et environnemental, si l’on souhaite rendre l’accès à la pleine santé possible pour tous. Éric Chenut rappelle que la santé au travail est un axe majeur de la santé publique, soutenu également par Virginie Malnoy, directrice Nouveaux Modèles d’Harmonie Mutuelle. Il affirme qu’il n’y a pas de fatalité en ce qui concerne les maladies professionnelles, et que des progrès peuvent être réalisés en mobilisant les partenaires sociaux et en identifiant et diffusant les bonnes pratiques.
C’est pourquoi la Mutualité Française formule dix propositions autour de trois axes :
- Faire de la santé au travail un élément essentiel de la santé publique.
- Améliorer la prévention et la santé au travail.
- Mieux prendre en compte les différentes conditions d’exposition aux risques professionnels.
Des propositions pour renforcer la prévention
Parmi ses propositions, la Mutualité Française souligne l’importance de soutenir les employeurs publics et privés, ainsi que les branches professionnelles, dans le développement de la prévention. Elle suggère notamment de sensibiliser davantage le monde du travail aux déterminants d’un environnement de travail favorable à la santé. Cela impliquerait d’accompagner les secteurs d’activité professionnelle dans la mise en place d’outils de prévention, en particulier ceux qui sont fortement touchés par des sinistres, tels que les services d’aide à la personne.
La Mutualité Française propose également d’élargir le champ d’action du passeport de prévention, afin qu’il englobe non seulement la formation en matière de sécurité et de santé au travail, mais aussi le suivi des actions de sensibilisation à la prévention des déterminants de santé mises en œuvre par l’employeur, tels que l’activité physique, la lutte contre les addictions, l’alimentation et la vaccination.
Une autre proposition consiste à tirer parti des données de santé et du numérique pour une meilleure prévention des risques en matière de santé au travail. L’idée est d’utiliser et de valoriser les données existantes pour analyser les risques professionnels et élaborer une politique de prévention plus ciblée, efficace et mesurable. Cela pourrait également permettre de mieux cibler les actions de prévention en fonction des territoires.
Améliorer l’attractivité des conditions d’exercice
Pour le deuxième axe, la Mutualité Française plaide en faveur de la création d’un service universel de santé au travail afin que tous les travailleurs puissent bénéficier d’un suivi adapté. Elle propose d’élargir les compétences des infirmiers en pratique avancée (IPA) pour qu’ils puissent diagnostiquer certains risques professionnels. En ce qui concerne le troisième axe, la Mutualité Française estime qu’il est nécessaire de généraliser l’accès à une couverture prévoyance. Parmi les mesures proposées, on compte l’obligation d’information des salariés sur la prévoyance et la garantie d’une couverture complémentaire en prévoyance pour tous les fonctionnaires, dans le cadre de la mise en place de la protection sociale des fonctionnaires. Toutes ces propositions visent à favoriser l’accès à la santé pour tous.