Un rapport publié aujourd’hui par la délégation aux droits des femmes du Sénat met en évidence le manque de considération des effets du travail sur la santé des femmes, soulignant la nécessité d’adapter les dispositifs existants qui sont souvent conçus en pensant principalement aux hommes.
Lorsque l’on évoque les professions présentant des dangers pour la santé, on pense généralement aux métiers du BTP ou à certains emplois dans des industries lourdes, qui sont encore majoritairement exercés par des hommes. Cependant, la santé des femmes au travail demeure largement négligée par les politiques publiques, avertit la délégation aux droits des femmes du Sénat. Dans son rapport rendu aujourd’hui, elle formule une série de recommandations pour remédier à cette lacune.
Le rapport souligne que les données statistiques sexuées restent fragmentaires dans le domaine de l’épidémiologie et des politiques de santé publique, malgré plus de six mois d’auditions et de visites sur le terrain. Les arrêts maladies, le suivi par les services de prévention et de santé au travail, ainsi que les recherches épidémiologiques sur les secteurs à prédominance féminine, manquent cruellement de données, déplorent la présidente de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon (Union centriste), et les quatre co-rapportrices issues de différents partis politiques.
Des risques professionnels invisibles
En conséquence, les politiques publiques de prévention et de réparation des risques professionnels ont été principalement conçues pour les hommes. Le rapport souligne par exemple que les postes de travail et les équipements, y compris les équipements de protection individuels (EPI), sont basés sur les références anthropométriques d’un « homme moyen ». Ainsi, les sénatrices appellent à « adapter les mesures de prévention aux conditions de travail des femmes ».
Les femmes sont confrontées à des problématiques spécifiques.
Selon le rapport, seuls 20 % des métiers sont mixtes, et les femmes sont exposées à des tâches qualifiées de « plus fines », mais qui, en raison de leur répétition, de leur rythme ou des contraintes professionnelles dans lesquelles elles s’inscrivent, peuvent être très épuisantes. Ces risques professionnels sont souvent « invisibles et silencieux » pour la santé des femmes, tandis que les hommes sont plus visibles lorsqu’ils sont confrontés à des situations mettant leur vie en danger (accidents, amiante, etc.).
Le rapport met en évidence les professions du soin et du nettoyage, où quatre travailleurs sur cinq sont des femmes. Dans ces domaines, les travailleuses sont souvent exposées à des charges lourdes dépassant la norme de 25 kg, à des horaires atypiques et à des exigences émotionnelles et organisationnelles élevées, ce qui a diverses conséquences sur leur santé. Par exemple, le travail de nuit augmente d’un quart le risque de cancer du sein, et les professionnelles du nettoyage sont exposées en moyenne à sept agents cancérogènes à travers les produits d’entretien.
Le rapport préconise donc de faciliter la reconnaissance des cancers du sein et des ovaires en tant que maladies professionnelles, de réviser la liste des critères de pénibilité et de mettre en place une stratégie nationale avec une approche intégrée de la santé des femmes. Il recommande également aux employeurs de mettre en place un document unique d’évaluation des risques professionnels tenant compte du genre, assorti de sanctions financières dissuasives. Les sénatrices ont souligné lors de la présentation du rapport que différencier n’est pas discriminer.
Problèmes de santé spécifiques mal gérés tels que l’endométriose et la ménopause
Certaines affections spécifiquement féminines ne sont pas non plus prises en compte dans les politiques publiques de santé au travail, bien qu’elles aient des conséquences directes sur la vie professionnelle des femmes. Les sénatrices réclament une réflexion sur l’adaptation des conditions de travail à la symptomatologie de la ménopause, qui concerne 14 millions de femmes.
Le rapport mentionne également l’endométriose, une affection chronique touchant 10 % des femmes en âge de procréer, soit entre 1,5 et 2,5 millions de personnes. Selon les auteures du rapport, cette maladie devrait être reconnue comme une affection de longue durée exonérante. Cependant, Laurence Rossignol (PS), co-rapportrice, a précisé que la mise en place d’un congé menstruel n’a pas fait consensus au sein de la délégation, et le rapport n’a donc pas conclu sur ce point.